Textile

L’indigo tout en nuances

Par Jean-Luc Toula-Breysse · Le Journal des Arts

Le 24 mars 2015 - 444 mots

La bibliothèque Forney baigne dans l’indigo, le temps d’explorer à travers le monde les techniques pour teindre et travailler ce pigment universel présent dans les tissus de tous les continents.

PARIS - Pigment végétal extrait de différentes plantes, selon les aires géographiques, l’indigo reflète une nuance d’un bleu foncé aux chatoiements violets. Le terme vient du latin indicum, de indicus signifiant « indien ». Pline l’ancien dans son Histoire naturelle (éditions Gallimard) atteste qu’après l’éclat de la pourpre (purpurissum), « c’est l’indicum qui jouit de la plus grande considération. Il vient d’Inde, où il constitue un limon qui adhère à l’écume des roseaux. »

Fascinée par le textile, graphiste de formation, styliste de carrière, voyageuse impénitente en quête de tissus et de couleurs, Catherine Legrand, commissaire de cette exposition, est tombée dans le bain du grand bleu en observant au Vietnam le travail de teintures des femmes des minorités ethniques dans les régions frontalières avec la Chine. De fil en aiguille, elle ne manque pas de visiter les musées à travers les continents, d’arpenter les marchés et de se rendre chez les artisans pour collecter tenues et accessoires imprégnés de ce bleu, la plus profonde des couleurs.

La couleur qui réunit les peuples
Sa présentation met en lumière une teinte spectaculaire et universelle. Dès le hall d’entrée, de belles pièces dont quelques parapluies et grands tissus habillent les pierres. Synonyme d’humilité, l’indigo colle à la peau du vêtement de travail : chemise Mao, bleu de chauffe, salopette… Au lieu de montrer formellement des étoffes neuves, immaculées, Catherine Legrand, sous le prisme des rencontres, privilégie des pièces usagées portant une mémoire et par-delà une création aléatoire engendrée par l’usure. Veste de paludier guérandais, jupe hongroise, kimonos et housse de futon japonais, tunique chinoise, châle indonésien, manteau syrien, chèche de Touaregs (dénommés les hommes bleus du désert), pagne africain, pantalon vietnamien, panneau mural indien, mais aussi coiffes, foulards, sacs, chausses et gants de pompier participent à un tour du monde de tons en tons. L’exposition, salle après salle, traverse les pays et les cultures. De l’Europe au Japon, de la Chine à l’Afrique, des Amériques aux Indes via le Sud-Est asiatique. L’accrochage aurait mérité un plus grand espace (ce sera le cas à Clermont-Ferrand) et un cheminement géographique moins décousu. Il n’y a pas de catalogue, mais un beau livre tissé de riches illustrations et de textes confectionnés sur mesure.
Lors de son séjour en Provence, Vincent Van Gogh évoquait dans une lettre à son frère Théo que « les gens d’ici portent instinctivement du plus beau bleu que j’aie jamais vu. » Était-ce cette toile de Nîmes en coton, appelée le denim, ancêtre du blue-jeans ?

Indigo, Un périple bleu

Jusqu’au 13 avril, Bibliothèque Forney, 1, rue du Figuier, 75004 Paris
tél. 01 42 78 14 60
www.paris-bibliotheque.org
mardi-samedi, 13h-19h

À partir du 16 mai : au Musée Bargoin, 15, rue Ballainvillier, 63000 Clermont-Ferrand
tél. 04 73 42 69 70
www.clermont-ferrand.fr/Musee-Bargoin

À lire : « Indigo, périple bleu d’une créatrice textile », Catherine Legrand, La Martinière, 290 pages, 39,90 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°432 du 27 mars 2015, avec le titre suivant : L’indigo tout en nuances

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